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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

15 ans de placard en comparution immédiate !

La justice est pauvre, c’est vrai.

Mais il ne faut pas qu’elle le devienne aussi intellectuellement qu’économiquement.

Plutôt que de mettre des moyens dans son système judiciaire, notre pays-des-droits-de-l’Homme-qui-fait-rire-le-monde-à-continuer-de-se-proclamer-pays-des-droits-de-l’Homme a choisi de légiférer en la matière en mettant à l’honneur toutes les procédures imaginables, non en vue de mieux juger, mais de gagner du temps, donc de l’argent.

Toutes les alternatives aux poursuites classiques vont dans ce sens.

On juge des délits sans donner la parole aux gens dans le cadre de la procédure d’ordonnance pénale. Ou par le biais du plaider-coupable, qui est en réalité souvent une version judiciaire du « marche ou crève » dans lequel les justiciables n’ont pas beaucoup plus de choix que dans la procédure précitée.

A cela, il faut maintenant ajouter la généralisation du recours à la procédure de comparution immédiate, devenue paroxystique dans l’affaire qui a provoqué la rédaction de ce billet.

D’abord, qu’est ce que la comparution immédiate ?

Pour schématiser, il s’agit d’une procédure accélérée, ou le justiciable passe en 48 heures du statut de gardé à vue à celui de condamné – la plupart du temps détenu.

Quand j’ai commencé dans ce métier, on utilisait ce biais procédural pour juger des multirécidivistes dans des affaires de gravité moyenne et assez simples.

Aujourd’hui, on l’utilise pour tout et n’importe quoi.

Dernier exemple en date, ce dossier jugé par Créteil en moins de 3 heures, qui concentre tout ce que notre Justice fait de pire en terme de paupérisation de son fonctionnement et de son crédit auprès de la population.

L’affaire est racontée en détail dans la presse (exemple, l’article de libération du 19 novembre 2016) , en substance, un type déjà lourdement condamné aux assises en 1997 pour des viols intrafamiliaux est soupçonné de récidive. Il est placé en garde à vue pour des faits criminels de viols, soit au plus pendant 48 heures, avant d’être présenté au parquetier de permanence qui décide d’abandonner purement et simplement les éléments factuels concernant les pénétrations et de disqualifier les faits de viols en agressions sexuelles.

Ce faisant, il n’y a plus d’obligation de saisir un juge d’instruction (tout fait criminel doit faire l’objet d’une instruction judiciaire selon la loi) et il peut saisir le Tribunal correctionnel.

Le Tribunal ne voit pas d’inconvénient à juger ces faits de viols, bien qu’ils relèvent de la Cour d’assises et marche donc sans problème dans la combine.

Le procureur demande 12 ans, le Tribunal condamne le prévenu à 15 années d’emprisonnement.

En 48 heures de procédure et 2 heures 45 d’audience, d’après les observateurs médusés de cette affaire.

Première observation sur la déclaration de culpabilité elle-même : comment imaginer pouvoir contester quoi que ce soit de l’accusation en 48 heures ? Ce temps ne sert qu’à réunir quelques éléments accablant le prévenu, en aucun cas des éléments à décharge.

Deuxième observation, sur la peine : aucune possibilité de faire une expertise, encore moins de contre-expertise, encore moins d’envisager une nouvelle expertise visant à établir une éventuelle évolution du mis en examen pendant sa détention provisoire. Aucune possibilité de s’intéresser à sa personnalité, à ce qui peut expliquer que malgré une première condamnation, il ait pu rechuter. Aucun bilan possible sur les bienfaits des 18 années de réclusion prononcées par la première Cour d’Assises. En clair, aucune possibilité de personnaliser la peine de celui auquel on signifie qu’on ne veut plus s’intéresser à lui désormais.

Troisième observation : on prive la partie civile d’une procédure d’exception alors qu’elle aurait subi un crime d’exception. Je ne suis pas sûr que traiter ce genre de dossier en 2 jours permette à celle-ci d’estimer que la Justice a pris en compte sa situation.

Mais alors, quel bilan tirer d’une telle gestion de cette affaire ?

Un bien triste bilan au vrai, celui que le système judiciaire, une nouvelle fois, démontre qu’il est souvent bien plus intéressé par la gestion de flux que par le traitement de situations humaines, qu’il s’agisse de celle des auteurs ou de celle des victimes.

 

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