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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Eric Dupond Moretti : Feu sur celui qui fit fi de la foi!

C’est drôle, j’avais presque oublié jusqu’à ce très récent incident au procès Tron entre Eric Dupond-Moretti et … une bonne partie du reste du monde judiciaire, avocats compris, cette expression et son sens.

« La foi du Palais ». Ce principe non-écrit qui veut que ce qui se dit entre gens de Justice doit rester confidentiel.

Ce principe qui en réalité reflète tout à fait l’immense majorité des relations entre gens de justice, savoir une franche hypocrisie, puisque de confidentialité sous la foi du Palais, il n’y en a aucune, l’essentiel de ce qui s’y dit est colporté à la vitesse de la lumière ; plus le ragot est ragoûtant, plus il se répand vite.

Pas forcément jusqu’à la scène publique c’est vrai, et assez rarement à l’occasion d’une audience publique, en particulier si cette audience connaît le retentissement médiatique du Procès de Cour d’assises de Geroges Tron, politicien poursuivi pour des faits de viols dans une affaire sur laquelle je ne sais rien et dont je m’abstiendrai donc d’effectuer le commentaire.

Non, ce qui doit intéresser ici, c’est cette « foi du palais » qu’Eric Dupond Moretti, que ses détracteurs présentent volontiers comme un avocat qui ne respecterait rien, aurait piétiné en révélant en audience publique les termes d’une conversation de cabinet avec le Président de la Cour.

Que les choses soient claires, cette « foi du Palais » n’a rien à voir avec la confidentialité absolue des échanges entre avocats, qui elle est prévue par les textes qui régissent la profession et dont la violation justifierait des poursuites disciplinaires.

Ce principe non-écrit est censé présider à de bonnes relations entre magistrats et avocats notamment, si bien que ce qui se dit sous cette foi est censé rester secret.

Le problème, c’est que cela suppose tout de même une bonne dose de loyauté entre les participants au jeu, puisqu’il n’y a pas de sanction prévue ni possible en cas de violation dudit principe – et chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui les font –

Dans cette histoire, il est difficile de savoir exactement ce qui se serait dit dans le bureau présidentiel, mais ce qui est certain, c’est que les avocats (au nombre de deux je crois, et pas forcément les plus stupides) avaient compris que le Président les avait inclinés à solliciter un renvoi pour se sortir d’une situation qu’il semblait juger – c’est une manie chez ces gens-là – inconfortable.

Or, lorsqu’ils ont sollicité ce renvoi, il leur a été refusé, les mettant à leur tour dans une sale posture, ce qui a provoqué cette rupture de confidentialité d’Eric Dupond-Moretti qui a expliqué publiquement ce qui avait motivé sa demande de renvoi.

Depuis, on entend crier au scandale, et les usages, hein, les usages, vous en faîtes quoi ? Et après les avocats viendront se plaindre qu’il n’y a plus moyen de discuter avec les magistrats ! J’en passe et des meilleures.

En ce qui me concerne, cela fait des années déjà que j’ai perdu toute foi dans le Palais.

D’abord, je l’ai dit et écrit à plusieurs reprises, je ne fréquente pas beaucoup les bureaux de juge en mode « backstage » ; je n’ai jamais eu besoin de vendre à quiconque une prétendue bonne entente avec tel ou tel magistrat pour gagner en clientèle.

Je ne dis pas qu’il ne faille pas entretenir de relations cordiales avec les magistrats, non ! Au contraire, je trouve qu’il est très sympathique de pouvoir discuter de tout et de rien avec un magistrat que l’on apprécie – et uniquement avec ceux-là, ce qui évite une bonne dose d’hypocrisie - , mais je ne vois pas en quoi il y aurait une nécessité à cela. Je ne « pré-plaide » pas mes dossiers à la machine à café ou dans le couloir.

Les demandes que je présente sont des droits pour mes clients, pas des suppliques. Les décisions qui sont prises à la suite de mes demandes sont des décisions de justice, pas des cadeaux. Le sort d’un dossier, jamais, ne doit dépendre d’une quelconque discussion préalable avec le juge.

Alors oui, je l’écris encore, il n’y a aucune obligation pour un avocat de discuter confidentiellement de quoi que ce soit concernant un dossier avec un juge.

Quand je parle avec un juge, je m’assure au préalable que tout ce que je dirai pourra être répété, voire acté et que je l’assumerai.

Pour finir, j’entends depuis quelques jours un exemple des pro-foi du palais qui m’inquiète : que feriez-vous si un président de juridiction à qui vous aviez confié vos doutes sur votre client – et l’on sait que cela arrive souvent - vous balançait en audience publique ?

Je réponds simplement : se confier de la sorte à un président est un acte de faiblesse qui s’accommode mal de la défense du client, car c’est là un aveux de ce que le défenseur n’assume pas son positionnement et c’est pour moi une faute - rien n’oblige un avocat qui n’y croit pas à assurer la défense de son client pour s’en excuser en off - .

Ensuite, dites-vous bien que si l’envie lui prend, le Président à qui vous aurez confié cela sous votre foi du Palais, s’il ne balance pas en pleine audience votre petit secret comme a pu le faire en transparence et finalement de façon assez courageuse EDM dans cette affaire Tron, pourra parfaitement s’épancher à qui de droit dans le cadre de son délibéré et vous n’en saurez jamais rien.

 Ne vous laissez-donc pas aller à ce genre de confidences avec un magistrat qui dispose entre ses mains d’une liberté qui n’est pas la vôtre.

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4
Tron,ce grand pervers narcissique sera-t-il enfin empêché de nuire à nouveau ?Il faut le souhaiter ou bien on ne peut que désespérer de la justice...
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B
"aurait piétiné" : hé, heu :)
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