7 Décembre 2012
J'assiste devant les assises de la Charente N.M., en compagnie de mon ami pénaliste bordelais Alexandre NOVION, qui m'a fait l'honneur de m'associer à cette défense pénale difficile.
L'accusé a été condamné en première instance par la Cour d'Assies de la Gironde à une peine de 18 ans de réclusion pour le meurtre d'une dame âgée.
Notre client n'est pas un homme violent par habitude, son casier ne comporte pas de mentions pour des infractions de violence, mais il a pris la fâcheuse habitude depuis de nombreuses années de s'abreuver d'alcool jusqu'à en perdre parfois conscience, remède dérisoire et destructeur contre le mal-être qui l'accable.
L'originalité de ce dossier réside dans le fait que l'auteur n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé, compte tenu de son alcoolisation massive lors de ce crime (plus de 3 grammes d'alccol par litre de sang, associés avec des psychotropes à dose thérapeutique).
C'est ce qui sera au coeur des débats durant ces trois journées d'Assises, puisque nous sommes résolus à plaider l'acquittement de ce jeune homme qui a totalement perdu le contrôle de ses actes.
L'article 122-1 du Code pénal prévoit : "N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes".
Le degré d'alcoolisme chronique de notre client confine à la maladie, ce que les experts peinent à ne pas reconnaître.
Seulement, ils s'arc-boutent sur des conclusions péremptoires et qui dépassent leurs prérogatives d'expert, en indiquant que s'il est acquis qu'au moment du crime, notre client ne contrôlait pas ses actes, il leur parâit qu'au moment où il a décidé de boire, il connaissait sa propension à une certaine violence et que cela l'empêche donc de faire valoir son irresponsabilité.
Juridiquement, il s'agit d'une aberration :
- La loi prévoit qu'il faut se placer au moment des faits et pas 6 ou 8 heures avant
- La loi n'exclut pas l'alcoolisation volontaire de son champ, il suffit de caractériser l'absence de contrôle de ses actes
- En outre, la question de la marge de manoeuvre de ce jeune homme au moment même où il s'alccolise se pose, puisque les experts ont indiqué qu'il souffrait de dypsomanie, degré de l'alcoolisme au niveau duquel le sujet ne peut réellement s'empêcher de boire
- Pour finir, l'expert psychologue affirme qu'à aucun moment, cette alcoolisation n'est intervenue pour se donner du courage ou se déshiniber en vue de commettre une infraction.
Devant une Cour d'Assises, le droit pur est parfois relegué au second plan et la morale tient lieu de règle ; les jurés ont bien voulu considérer que des circonstances atténuantes pouvaient être reconnues à Monsieur M.; mais refusent de l'acquitter.
De 18 ans, sa peine est ramenée à 15 années de réclusions criminelle.