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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Que révèle la crise de l’aide juridictionnelle ?

La profession que j’exerce subit depuis plusieurs années une importante mutation, qui me semble encore loin d’être achevée.

La récente –nouvelle- crise de l’aide juridictionnelle en a été un révélateur, qui a braqué les projecteurs sur des situations et des problèmes économiques quotidiennement vécus par de nombreux confrères et inconnus du grand public.

Les gens continuent de penser que les avocats sont des nantis et ne comprennent pas ces plaintes incessantes au sujet de l’aide juridictionnelle. Pire encore, ces manifestations, ces grèves.

Mais ces récriminations de la profession sont pourtant fondées, car les avocats qui travaillent majoritairement au bénéfice de l’aide juridictionnelle sont dans des situations parfois inextricables.

Seulement, un avocat a-t-il vocation à travailler majoritairement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ?

On part aujourd’hui du constat que l’aide juridictionnelle est une rétribution dérisoire pour un travail conséquent. C’est vrai.

C’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf. Doit-on augmenter la rémunération à ce titre dans un contexte économique national délétère, ou bien considérer que l’aide juridictionnelle n’a pas vocation à faire vivre les cabinet d’avocat et ne constitue pas une rémunération, tout juste un défraiement ?

Quand j’ai commencé dans ce métier, les anciens m’expliquaient le principe de l’accès au droit pour tous, de la charge que représentait la commission d’office pour la profession, qui pouvait s’enorgueillir de défendre les plus pauvres à ses frais.

Mais déjà cela n’était plus tout à fait le cas.

Aujourd’hui, cela ne l’est plus du tout.

Autant le dire clairement, nous sommes passés d’une situation où l’aide juridictionnelle avait vocation à soutenir les plus démunis et leur permettre d’accéder à une défense de qualité, à une situation où l’aide juridictionnelle a vocation à soutenir certains cabinets en difficulté, en mal de clientèle ou de trésorerie.

Nous sommes passés d’une défense assurée à la marge par des cabinets libéraux prospères à des cabinets spécialisés dans la défense à l’aide juridictionnelle, quasiment fonctionnarisés.

De cabinets qui donnaient de leur temps et de leur énergie pour les bonnes œuvres judiciaires à des cabinets réclamant que ce fonctionnariat soit plus pérenne.

Et qui de fait n’acceptent plus la collaboration – à perte – au service public de l’accès au droit.

Cette dégradation n’a eu à mon sens que des effets pervers.

Tout d’abord sur un plan large, une dépréciation de l’image de l’avocat. Les cabinets en difficulté sont de plus en plus nombreux, notamment ceux sous perfusion de l’aide juridictionnelle. Ils donnent aux justiciables l’impression d’une défense à deux vitesse ; les cabinets d’aide juridictionnelle pour les pauvres assurant une défense au rabais et les autres pour les nantis.

Cette situation relève bien entendu de l’impression et est parfaitement fausse. L’immense majorité des avocats travaillant à l’aide juridictionnelle le fait avec une grande qualité et tout le cœur possible. Mais elle est ressentie et exprimée par les justiciables.

En outre cette impression, sur un plan plus resserré, est également relayée à l’intérieur-même de la profession d’avocat où les relations entre confrères sont de plus en plus empreintes de méfiance, de défiance, de jalousies, de plus en plus considèrent qu’ils sont mal payés pour effectuer les basses œuvres et s’imaginent que l’enfer, c’est les autres.

Il suffit de voir les difficultés rencontrées quand un avocat prend la suite d’un autre dans une affaire, situation on ne peut plus banale et qui se réglait par un rapide courrier quand j’ai commencé dans ce métier.

Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir le confrère éconduit aller vérifier directement dans le dossier si le client a bien désigné un autre avocat, ou même d’appeler le client pour se plaindre de ce changement d’avocat… Une telle situation de dépendance vis-à-vis des clients, des dossiers, entretient l’image et l’idée d’une profession aux abois, ce qui contribue à faire respecter de moins en moins notre métier et notre travail.

Quelle solution miracle, me direz-vous ?

De miracle, il ne faut point attendre. A tout le moins faut-il accepter, ce qui est bien le moindre dans notre métier, que les mots soient prononcés.

Numerus clausus. Profession libérale. Fonctionnariat. Les pistes sont nombreuses, qui permettraient de restaurer la possibilité de bien vivre de ce magnifique métier, chacun en fonction de ses aspirations, ce qui permettrait également de redorer le blason d’un métier qui longtemps fût considéré comme noble, ce qu’il est profondément.

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