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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Témoin à charge ou à décharge, le poids de la parole à géométrie variable

Le pouvoir d’appréciation des faits par le Juge du fond n’a dans notre système judiciaire quasiment aucune limite.

J’expliquais il y a peu à un client qui me disait – encore – qu’il n’y avait aucune preuve contre lui dans le dossier que si le juge décidait que son pull bleu était rouge, eh bien la vérité judiciaire deviendrait que ce pull est rouge et nous n’y pourrions pas grand chose.

C’est absurde et caricatural j’en conviens, mais c’est tellement proche de la réalité.

On ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se convainquent de la plénitude et de la suffisance d’une preuve. C’est ce que nous enseigne le code de procédure pénale en matière criminelle et c’est ce qui gouverne au vrai toute la question de l’appréciation de la preuve en droit pénal.

Autrement dit, le juge n’a à se justifier à aucun moment de ce qui emporte sa conviction. Et que l’on ne me dise pas que les exigences de motivation imposées par les textes sont là pour garantir quoi que ce soit en la matière, j’ai déjà écrit à plusieurs reprises ce qu’il faut en penser. C’est à dire qu’il s’agit là d’une hypocrisie fondamentale, puisque dans l’exemple absurde supra, la phrase « attendu que le pull de Monsieur X. est rouge » suffirait à satisfaire jusqu’à la Cour de cassation en terme d’exigence de motivation, bien que toute personne normalement constituée voie ce pull bleu…en bleu !

Bref, à titre d’illustration de ce que j’expose, prenons l’exemple de la preuve testimoniale. Classiquement, dans un procès pénal, il y a la preuve à charge et la preuve à décharge. La première vous expédie pour de longues vacances au frais, la seconde vous innocente.

J’ai toujours été frappé de constater que le même témoin, donc la même parole, pouvait être utilisé exactement dans les deux directions opposées selon l’humeur du jour du juge.

Le dossier ne vaut pas un rouble aux yeux du magistrat ? Il jugera le témoin clé du dossier peu fiable, parce qu’alcoolique, repris de justice, qu’il faisait noir ou qu’il pleuvait.

Le prévenu est coupable à ses yeux? Bien qu’à ceux de la défense il ne vaille pas même un kopeck, le même témoin se parera de toutes les vertus. Parce qu’il est alcoolique depuis 20 ans, on nous expliquera qu’avec 2,5gr de vodka par litre de sang, il peut danser la polka sur une jambe. Ses 18 mentions au casier judiciaire ? Du passé, tout homme a le droit de se racheter et de collaborer à l’œuvre de Justice. Il faisait nuit ? La rue était bien éclairée. Il pleuvait ? Quelques gouttes n’ont jamais empêché quiconque d’y voir clair !... Etc., etc.

Autrement dit, on pourrait remplacer tout texte traitant de la preuve au pénal par cette maxime : « En matière d’appréciation de la preuve par le Juge pénal, la fin justifie les moyens ».

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