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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Que reste-t-il de la confidentialité des échanges entre avocat et client ?

Driiiinnnngggg….  « Allo Maître TAKHEDMIT, nous souhaiterions vous entendre en qualité de témoin dans le cadre d’une affaire criminelle ».

Lorsque j’entends cela au bout de mon téléphone, mon sang ne fait qu’un tour. On me demande à moi, avocat, de m’exprimer en qualité de « témoin » dans une affaire criminelle ; à l’évidence, cela ne peut que concerner l’un de mes clients et je m’étonne que l’on puisse me solliciter pour témoigner, que soit pour ou contre un client.

Je tombe des nues lorsque j’apprends que cette audition est prescrite par un juge d’instruction, sur commission rogatoire.

Le juge souhaite m’entendre sur le paiement d’honoraires qu’auraient fait certains de mes clients pour le compte d’un autre de mes clients.

Il est bien évident que la seule réponse à faire en pareil cas est : « je n’ai rien à répondre, tous les échanges avec mes clients sont couverts par le secret professionnel ».

C’est donc ce que je réponds.

Quelques heures plus tard, les clients concernés par les suspicions du juge, qui viennent d’être placés en garde à vue, me font désigner comme leur avocat.

C’est là que le juge me dit que cela pourrait poser problème, dans la mesure où j’ai été entendu comme témoin dans la même affaire, que je ne peux pas officier comme avocat d’une ou plusieurs parties mise en cause en ayant été entendu comme témoin.

Comme témoin ? Mais comme témoin de quoi ? En quoi un avocat peut-il être dans ce cas précis témoin de quoi que ce soit ? Il s’agit d’une affaire d’extorsions en bande organisée, évidemment je n’ai été témoin de rien !

Le juge, sans ambages, m’indique qu’il enquête sur les flux financiers et que l’emploi de sommes glanées de façon illicites fait partie de sa saisine.

Qu’au surplus, les « individus » qui se seraient déplacés à mon cabinet pour régler des honoraires pour le compte d’un de leurs amis n’étaient alors pas mes « clients », car me dit-elle, je n’avais à cette époque aucun dossier ouvert pour eux.

Ah bon ? Et comment ce juge peut-il savoir si j’ai ou non un dossier ouvert à mon cabinet pour tel ou tel client ? Evidemment, le respect du secret professionnel m’interdit de confirmer ou d’infirmer, mais ce postulat est inepte !

Par ailleurs, puisque le juge dispose d’écoutes téléphoniques, il sait que ces « individus » ne peuvent qu’être qualifiés de « clients », puisque je n’ai de relations que professionnelles avec eux, je ne les reçois que dans mes bureaux, au Palais de Justice, jamais dans un lieu privé, jamais pour une activité privée, ils m’appellent « Maître », je les vouvoie systématiquement en les appelant « Monsieur ».

La relation avocat-client en pareil cas est incontestable.

Elle doit entraîner une série de conséquences : je ne peux pas être entendu comme témoin de quoi que ce soit, ni de faits, ni d’informations, ni d’éléments liant ces clients à mon cabinet, y compris s’agissant du paiement d’honoraires, y compris au profit de tiers. Si des conversations ont été enregistrées entre mes clients et moi dans le cadre de l’enquête dirigée contre eux, ces enregistrements doivent être écartés de la procédure, ou annulés a posteriori s’ils n’ont pas été écartés a priori.

Ce positionnement du juge dans cette affaire est ahurissant. Choquant. Déloyal. Illégal.

Surtout, son raisonnement faussé peut être appliqué par extension à toute affaire dans laquelle un avocat est payé, par ses clients ou par des tiers. En particulier dans toute affaire de criminalité organisée.

Le juge peut soupçonner toute personne mise en examen dans de telles affaires d’utiliser une partie des sommes collationnées illégalement pour payer son ou ses avocats. Et de fait demander à cet avocat de s’expliquer sur ces sommes. Pour lui dire ensuite qu’il ne peut plus assister son client dans ladite affaire.

Et ainsi, au finale, choisir si tel ou tel avocat devrait ou ne devrait pas intervenir dans telle ou tel affaire.

Ou comment un juge s’imagine que son pouvoir est tellement étendu qu’il peut décider si un avocat peut ou ne peut intervenir dans telle ou telle affaire.

 

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