16 Octobre 2017
Très récemment, une dame m’appelle pour me demander de prendre en charge le dossier de son mari, en garde à vue pour trafic de stupéfiants.
Elle me dit qu’elle s’étonne que je ne sois pas intervenu depuis trois jours alors que dès l’intervention des policiers au domicile du couple, elle a donné mon nom pour la défense de son mari.
Je lui dis que c’est malheureusement fréquent, que je vais adresser un fax au service enquêteur et que très peu de temps après, ils m’appelleront.
Ce qui fut fait. Fax puis appel des enquêteurs dans la foulée.
En discutant avec ma cliente, celle-ci me donne quelques détails sur la manière dont s’est déroulée ma « désignation ». Alors qu’elle donnait mon nom, l’enquêteur eut un bref mouvement de recul, avant de dire « Vous êtes sûre ? A votre place je choisirais un avocat mieux vu des magistrats. Celui-ci est mal vu, c’est l’avocat des voyous, etc. »
Je ne sais pas si cet enquêteur avait raison ou tort, je n’ai pas souvenir qu’un magistrat m’ait expliqué que je serais mal vu, par lui ou ses collègues.
Et surtout, je dirais que cela m’indiffère complètement, car je ne pense pas que la question soit importante de savoir si l’on est bien vu des magistrats.
D’abord, c’est assez inepte, il y a autant de manières d’apprécier un avocat qu’il y a de magistrats. Je m’entends très bien avec quelques magistrats, pour la plupart des autres je n’entretiens que de très brèves, cordiales et respectueuses relations. Il en existe très peu pour lesquels j’ai de franches inimitiés, qui me le rendent bien et cela n’a jamais interféré dans le cours du travail qu’eux comme moi avons à faire.
J’ai toujours honni les quelques confrères qui laissent entendre – quand ils ne le vendent pas franchement – à leurs clients qu’ils connaissent très bien tel magistrat, manière de dire que de cette « amitié » découlerait une sorte de dette du magistrat à leur égard qui ne saurait rien leur refuser.
Les magistrats prennent leurs décisions en dehors de ces petits arrangements fantasmés, quels que soient les griefs que je puisse nourrir à l’encontre de tel ou tel, je n’ai jamais soupçonné qu’une décision soit prise en raison de l’amitié d’un juge pour un avocat.
Cela marche dans les deux sens, je n’ai pas eu à constater de décision défavorable à un de mes clients au motif d’une prétendue détestation de tel magistrat à l’encontre de tel avocat. En particulier pas me concernant.
Si j’abhorre les confrères qui utilisent ces ficelles grossières pour s’assurer que des dossiers leur soient confiés, je méprise les policiers (je n’ai pas souvenir d’avoir vu un gendarme agir de la sorte) qui usent des mêmes ficelles grossières en sens inverse pour tenter de s’assurer que tel avocat qui ne leur revient pas n’intervienne pas en défense dans le dossier dont ils ont la charge.
D’abord, cela ne fonctionne pas à l’entrée. La plupart des clients qui ont eu à subir ce genre de « conseils » d’enquêteurs me disent que c’est précisément parce que le policier les incline à ne pas me désigner qu’ils sont rassurés du choix qu’ils ont fait de me confier leur dossier.
Ensuite, cela ne fonctionne pas non plus à la sortie. Si mon intervention pour le compte d’un client lui était si nocive que cela et que les décisions concernant mes clients étaient plus mauvaises que les autres, je ne ferais pas l’objet de si fréquentes désignations.
Pour la petite histoire, alors qu’il était dans cette affaire réclamé une peine d’emprisonnement ferme de deux années avec mandat de dépôt, mon client a été très justement condamné à deux ans d’emprisonnement dont une année assorti du sursis, sans mandat de dépôt. Il a pu rejoindre sa femme le soir même qui, depuis, a pu me confirmer que bien vu ou mal vu, elle n’avait pas regretté de m’avoir désigné pour assister le père de ses enfants.