9 Octobre 2017
Combien de fois ai-je dit et écrit que je continuerai de plaider des deux côtés de la barre, en défense comme en partie civile, car cela fait de moi un avocat plus complet, plus apte à défendre mes clients car conscient de l’ensemble des enjeux du procès pour l’ensemble des parties.
Pour ce faire, je m’astreins au respect d’un minimum de cohérence dans les grandes lignes de la pratique du métier d’avocat, m’interdisant par exemple comme avocat de la défense de rudoyer injustement une victime, ou comme avocat de la partie civile de réclamer l’incarcération ou le maintien en détention d’un mis en examen ou accusé.
Cet objectif de cohérence n’étouffe pourtant pas tous les représentants de ma profession… j’ai notamment eu à m’étrangler en pleine audience à deux reprises lors des quelques mois qui viennent de s’écouler.
La première affaire se déroulait devant une cour d’assises, devant laquelle je défendais un accusé de braquage qui clamait son innocence. Lors du contre-interrogatoire des enquêteurs, j’avais été aussi incisif que le permettent nos règles déontologiques, sans d’ailleurs que le Président n’eût à me reprendre à un quelconque moment.
Lors de la plaidoirie des parties civiles, je crus que mes oreilles me trahissaient quand j’entendis, après un quasi-réquisitoire que peu d’avocats généraux auraient osé, mon confrère s’exclamer « vous avez entendu hier un avocat de la défense maltraiter un officier de police judiciaire ».
Evidemment, cette « maltraitance », que j’appelle pour ma part contre-interrogatoire, avait été la pierre angulaire de l’acquittement que je m’apprêtais à plaider et que mon confrère sentait poindre – à raison, il fut d’ailleurs prononcé –
Dans une autre affaire, dans laquelle mon client avait été mis en examen pour viols, j’avais lors de la confrontation eu l’occasion de poser quelques questions à la partie civile, relatives au consentement, notion excessivement importante dans de telles affaires.
Les réponses qui avaient été apportées à mes questions avaient largement déterminé le juge d’instruction à ordonner un non-lieu contre mon client, qui ne fut finalement renvoyé que devant le Tribunal correctionnel, pour atteintes sexuelles.
A l’audience, je dus subir une plaidoirie de partie civile à type de calque des pires réquisitions qu’il me fût donné d’ouïr en presque douze années d’exercice.
En point d’orgue, j’eus droit à « que Monsieur X nie les faits qui lui sont reprochés passe encore, mais que son avocat puisse oser poser à une victime les questions qu’elle a subies en confrontation, c’est insupportable ».
Ebahissant.
Comment peut-on imaginer qu’un avocat puisse publiquement, en audience, reprocher à un avocat d’avoir simplement fait son travail, uniquement parce que cela ne va pas dans le sens de son client partie civile ?
Déjà s’en prendre au prévenu lui-même est hasardeux, mais s’en prendre à son avocat est inimaginable.
Je ne dis pas qu’en cas de débordement de l’un ou l’autre côté, le corporatisme des robes noires doive interdire une remise en place, mais que ce genre de prises à partie ne peut se concevoir à raison de l’exercice normal de sa mission par un avocat.
Il est du devoir de l’avocat de poser des questions qui dérangent. De secouer témoins et plaignants même, s’il le faut, dans le respect de l’intégrité des personnes.
Que l’on trouve de plus en plus de confrères mus par l’illusion qu’en faisant corps avec leur client ils le défendent me désole.
Qu’ils prennent si peu de recul et de distance avec leur client en s’imaginant que c’est bien parce qu’ils sont partie civile ne m’amuse plus, me met en colère, même.