2 Octobre 2017
L’un de mes jeunes collaborateurs devait s’absenter récemment pour une raison fort louable : il était convié à assister à une journée de formation obligatoire à la déontologie.
A l’occasion de la pause déjeuner, je m’intéressai au contenu de ladite formation et ne fus même pas surpris lorsqu’il m’expliqua que l’intervenant de la matinée était un ancien haut magistrat en retraite à qui l’on avait demandé de professer la bonne parole aux jeunes avocats.
Pourtant, n’y a-t-il pas tout de surprenant à confier, lorsque l’on organise une session de formation à la déontologie pour de jeunes confrères, le soin de la dispenser à un professionnel qui n’est pas lui-même soumis à cette même déontologie, ni en réalité réellement familiarisé à celle-ci ?
Moi, cela ne m’étonne plus guère, car j’ai depuis longtemps compris que souvent dans ce métier, l’on confond, dans la relation qui lie avocats et magistrats, la déférence – qui n’est jamais loin du fayotage en réalité – avec le respect mutuel.
Pourtant, si ce dernier doit être de mise entre les acteurs judiciaires, il me semble que le premier ne devrait pas s’appliquer, puisqu’il découle d’une verticalité qui ne trouve sa justification nulle part.
Non, il n’existe pas de hiérarchie entre magistrats et avocats. Les premiers n’ont pas de pouvoir sur l’exercice professionnel des seconds (hormis et en dernier ressort en matière disciplinaire, ce qui est choquant et assez inacceptable en réalité), qui n’ont aucun ordre à recevoir des premiers.
Il est bien évident que pour la bonne marche de la Justice, l’avocat doit respecter le magistrat, l’homme – ou la femme – comme la fonction.
C’est nécessaire et suffisant.
Et surtout, il est aussi évident pour la même bonne marche de la Justice que le magistrat doit également (pas dans le sens « aussi », mais dans le sens « de la même manière, au même niveau ») respecter l’avocat.
Cela doit trouver son expression dans une liberté et une indépendance de chaque fonction vis-à-vis de l’autre, qui permet au magistrat de prendre sa décision en dépit des protestations de la défense si la Justice le requiert et à la défense de protester autant qu’elle le souhaite.
Je suis parfois étonné de devoir constater qu’il me faut rappeler à certains magistrats que je ne suis pas l’un de leurs mis en examen ou de leurs prévenus et qu’à ce titre, il est inepte d’imaginer limiter ma liberté d’expression, voire de mouvements dans certains cas.
Leur rappeler également que ces limitations à la liberté sont exceptionnelles, qu’elles ne peuvent trouver leur source que dans la loi qui leur permet en effet de placer en détention ou sous contrôle judiciaire, pas dans un pouvoir quasi divin qui leur serait offert en même temps que la robe de juge.
Que ce faisant, tant qu’ils s’adressent à une personne qui n’est ni en détention ni placée sous contrôle judiciaire, mise à l’épreuve ou liberté conditionnelle, ce qui la plupart du temps est le cas de l’avocat qu’ils ont en face d’eux, leur pouvoir d’injonction devient aussi nul que celui de cette même personne.
En réalité, les règles qui président à une bonne entente entre avocats et magistrats n’ont rien de différent de celles qui président à de bonnes relations entre les hommes ; la courtoisie et le respect mutuel.
Il suffit simplement de se souvenir que même en portant une robe noire, on demeure dans la communauté des Hommes, que l’on ne flotte pas au-dessus.