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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Cour d’Assises : la défense active plus risquée que la défense passive ?

Je plaidais récemment devant une Cour d’Assises dont le Président s’appliquait à mettre sous l’éteignoir les moindres interventions de la défense.

Une fois passe, deux difficilement, à la troisième brimade, le ton monte.

Ce que certains appellent un « incident d’audience ».

Pour ma part, un incident d’audience est un incident contentieux tel que réglé par les dispositions du Code de procédure pénale, ou à la limite une algarade telle qu’elle entraîne une suspension du procès afin que les protagonistes s’expliquent en dehors du cénacle judiciaire, par exemple dans le bureau du Président.

Dans notre cas, rien de tout cela, le ton monte, puis redescend aussi sec ou presque, et le procès reprend son cours normal.

Seulement, la défense s’exprime et n’entend pas laisser au seul Président, voire à l’Avocat Général, le soin de guider le procès vers une destination (in)connue.

Quelle n’est pas ma surprise de voir débarquer, à la prochaine suspension d’audience, alors que je suis à la machine à café, un confrère de la défense passive, en furie, à la limite de me menacer : « arrête tes conneries avec le Président, si tu veux enfoncer ton client, très bien, mais ne nous entraîne pas avec toi ! ».

Ce brave confrère, me jetant au visage ses 25 ans de barre en guise de diplôme de compétences lui donnant droit à dispenser ses conseils, s’imagine qu’en s’érigeant contre le Président, on scelle le sort de nos clients.

Bien que je me pose un certain nombre de questions depuis quelques années sur les tenants et les aboutissants d’un délibéré de Cour d’Assises, j’ai toujours considéré et continuerai de le faire jusqu’à preuve tangible du contraire, qu’un magistrat digne de ce nom ne fait jamais payer à un accusé les affronts qui lui sont faits par la défense.

De ce point de vue-là, au moins, je leur fais entière confiance pour séparer le bon grain de l’ivraie.

Un avocat qui, écrasé sous la botte présidentielle, ne fait rien, attendant patiemment la fin des débats pour se lancer dans une plaidoirie souvent dérisoire, ne me semble pas faire tout à fait le métier.

D’autant que nos clients, souvent, veulent avant toute chose être défendus, ce qui implique, lorsque des attaques injustes leur sont faites, de répliquer, lorsque des témoins énoncent des contre-vérités, de pointer leurs imprécisions, de procéder à des contre-interrogatoires, parfois sans concessions.

Le plus important pour moi, c’est de mériter le respect, pourquoi pas la reconnaissance de celui qui me fait l’honneur de me choisir pour le défendre.

Et dans ce dossier, bien que nous ayons un peu croisé le fer avec le Président et que le résultat escompté ne fût pas là, mon client m’a adressé un courrier de remerciements sincères, de ceux qui donnent envie, malgré les camouflets successifs des délibérés des Cours d’Assises, de remettre l’ouvrage sur le métier, encore, et encore.

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