Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Délibérés de Cour d’Assises : pas d’inquiétude, le(la) président(e) reste à la barre !

La Cour de cassation (Cass. Crim. 25 mai 2016 n°15-84.099) a rappelé il y a quelques mois d’une manière particulièrement ferme un principe édicté par l’article 304 du Code de procédure pénale, le secret des délibérations du jury de Cour d’assises, qui s’impose également aux magistrats professionnels et non-professionnels.

L’espèce est assez simple, un juré se répand dans la presse sur les conditions d’un délibéré de cour d’assises, en insistant sur les pressions exercées par la présidente.

Il est poursuivi pour violations du secret.

Que ce secret existe et soit fondé, pas de problème.

Ce qui pose difficulté ici, c’est son étendue, qui ne connaît aucune limite.

Pour sa défense, le prévenu sollicite un supplément d’information, sous la forme d’une audition des autres jurés ayant participé au délibéré, manière de démontrer qu’il n’a pas rêvé, que le délibéré a été en quelque sorte vicié et qu’il ne s’agit pas simplement de l’expression d’une frustration de sa part au regard d’une décision qui n’aurait pas été conforme à son vote personnel.

Non seulement cet acte lui est refusé, mais surtout la Cour de cassation en profite pour rappeler que le secret des délibérations est « absolument absolu » si l’on peut dire.

Ce faisant, elle ne se prononce pas sur la violation du secret du délibéré par le prévenu lui-même, mais pose comme principe qu’il ne saurait être admis de dérogation  à l’obligation de conserver le secret des délibérations, même à l’occasion de poursuites pour violations du secret des délibérations.

Les délibérations de la Cour d’assises nourrissent beaucoup de fantasmes, notamment chez les avocats. Certains sont fondés, d’autres pas.

Celui qui consiste à imaginer que le président oriente les débats, les cornaque et parfois fait la décision tout seul n’est en réalité pas un fantasme.

Je ne compte plus les jurés qui m’ont confié cela directement après un délibéré de Cour d’assises, ni ceux qui, ayant connu cette expérience, me la racontent dès qu’ils apprennent que je suis avocat. Sans parler des magistrats professionnels ayant siégé comme assesseurs…

A la rigueur, on pourrait accepter cela comme faisant partie des règles du jeu. C’est d’ailleurs ce que nous faisons à chaque fois que nous acceptons de plaider devant une Cour d’assises.

Je ne pense pas que puisse être admise une dérogation au secret des délibérations quant il s’agit simplement de discuter de l’omniprésence d’un président ou d’une présidente pendant le délibéré.

Cependant, le caractère absolu de ce secret rappelé par la Cour de cassation n’est pas sans poser de problème pour d’autres cas, plus graves.

Comment ne pas penser à cette hypothèse – affaire évoquée dans les médias – où un président, mécontent d’un vote parfaitement valable par la Cour, fit revoter non sans avoir expliqué à qui de droit comment voter et pourquoi, obtenant in fine la décision qui lui convenait ? Un tel comportement, à la limite de l’infraction pénale et bien au-delà des limites de la faute déontologique, doit-il être couvert par le secret des délibérations ?

Assurant ainsi une impunité quasi totale aux présidents de Cours d’Assises ?

Que ceux qui, imaginant détenir les clés du savoir, de la compréhension de toute chose et de ce qui est juste se rassurent, leur bonne vieille Cour de cassation veille au grain, ils pourront continuer de tenir fermement la barre de « leur » Cour d’assises.

Continuant ainsi de nourrir les fantasmes au détriment de ceux qui, et ils existent (si si, j’en ai même croisé), jouent le jeu de la juridiction d’exception, en respectant les autres juges et jurés qui y ont toute leur place à tenir.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article