22 Mai 2017
J’ai déjà écrit plusieurs fois sur les difficultés qu’il y a à faire reconnaitre une situation de légitime défense devant nos juridictions pénales (cf. articles n°1, n°2 et n°3).
Le thème de cet article est un peu différend, il porte sur les conséquences, en l’absence de légitime défense caractérisée, du comportement de la victime sur son droit à indemnisation.
En effet, en cas de légitime défense, la question ne se pose pas, le droit à indemnisation de la partie civile est tout bonnement écarté et il n’y a pas de condamnation.
Cependant, souvent, bien que le condamné ait agi en réponse à une agression, ou dans le cadre d’agressions mutuelles, les juridictions du fond estiment que cela n’était pas nécessaire, pas contemporain de l’agression primitive ou disproportionné.
Doit alors se poser la question de l’incidence du comportement de la victime sur la décision du tribunal au titre de son droit à indemnisation.
Si la victime, par ce comportement, a provoqué l’agression qu’elle a subie, ou si elle l’a facilitée, son droit à indemnisation peut être anéanti ou diminué ; on parle alors selon le cas d’exclusion du droit à indemnisation ou de partage de responsabilité.
Plusieurs fois récemment, j’ai été frappé par le refus des Tribunaux de prononcer des partages de responsabilité dans des affaires où pourtant, il était acquis que les violences étaient mutuelles, ou à tout le moins que la victime avait provoqué la situation qui avait conduit aux violences.
Toujours avec cette idée qu’au pénal, les rôles sont distribués avant le procès, d’un côté l’agresseur, de l’autre la victime.
Dans un autre registre, j’ai été confronté, alors qu’il m’était donné d’assister des victimes devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), qui est une juridiction civile et non pénale, à des décision de refus d’indemniser pour des motifs surprenants.
Dans une affaire, on a refusé d’indemniser un client qui avait perdu une jambe à l’issue d’une tentative de meurtre (reconnue en Cour d’assises), au motif qu’il aurait provoqué son agresseur en insultant sa mère (pensez donc qu’avec un tel raisonnement, nous aurions sans doute remporté la Coupe du monde de football en 2006 !).
Dans une autre pire encore, la CIVI a refusé d’indemniser la famille d’un homme retrouvé mort dans son appartement en Afrique, tué à coups de machette, au motif que cela semblait louche et que cela sentait le règlement de compte à plein nez…
Evidemment, ces expériences croisées m’amènent à une remarque : il semble que l’appréciation de la faute soit à géométrie variable selon que l’on a affaire à une juridiction civile a posteriori (qui juge donc à tête reposée, à distance des enjeux du procès pénal, en terme de protection de l’Ordre Public, de la sécurité, de l’intégrité physique, etc.), ou bien à une juridiction pénale qui juge dans le feu de l’action judiciaire, de façon moins distanciée sans doute.
A moins que seul l’aspect économique n’intervienne…
En effet, la CIVI juge d’un droit à indemnisation qui va être honoré par le Fonds de garantie, au titre de la solidarité nationale. Il semble se dessiner une gestion de plus en plus serrée des indemnisations, au regard je suppose d’un budget qui n’est pas extensible à l’infini.
Les juridictions de jugement, elles, condamnent des hommes et des femmes qui devront assumer l’indemnisation de leur victime personnellement, sur leur budget mais également sur leur patrimoine, avec toutes les incidences que cela peut avoir sur leurs familles qui souvent n’ont rien à voir avec l’affaire .
En d’autre terme, si c’est l’Etat qui doit payer, on devient très, très regardant à la dépense, mais si c’est un simple condamné…