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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

La défense ne doit pas baisser les bras face à l’ADN

L’ADN reine des preuves.

Bien que tout le monde sache aujourd’hui qu’il n’en est rien, on continue d’entendre cela très régulièrement dans les prétoires, et pas seulement dans les discussions entre observateurs néophytes des procès correctionnels ou criminels.

Non, là d’où on l’entend le plus, c’est depuis le perchoir des procureurs de la République et avocats généraux qui, dans les affaires où ils ne disposent de rien d’autre, entonnent systématiquement ce couplet qui tourne comme un disque rayé. Parfois avec succès, mais pas toujours.

En l’espace de quinze jours, je plaidais deux affaires approchantes, pour des braquages, l’une ayant fait l’objet d’un renvoi en Cour d’assises, l’autre d’une requalification et d’un renvoi devant le Tribunal correctionnel.

Dans la première espèce, le braqueur avait abandonné à quelques encablures des lieux du crime l’ensemble de son attirail. On y retrouvait l’ADN de mon client. Quasiment sur toutes les affaires. Et toujours en mélange avec un ou d’autres ADN. Tout le reste du dossier innocentait mon client, qui disposait même d’un alibi en béton puisqu’un témoin au-dessus de tout soupçon expliquait avoir partagé une conversation avec lui à 30 km du braquage à l’heure précise des faits… Croyez-le ou non, il fut condamné par la Cour d’Assises, la juridiction ayant estimé qu’il ne s’expliquait pas sur la présence de son ADN sur les effets du braqueur.

A désespérer.

Sauf que je n’en eus pas le temps, car il me fallait affronter une histoire très approchante quelques jours plus tard. Mon client était poursuivi car on avait retrouvé son ADN sur l’intérieur de la poignée de portière d’une voiture dont la victime avait été extirpée puis volée avec usage d’une arme.

Tout le reste du dossier innocentait mon client, y compris la victime elle-même qui, à plusieurs reprises, avait confirmé que mon client n’était pas son agresseur.

Cela n’empêcha pas le Procureur de la République de demander la condamnation de mon client… au motif qu’il n’expliquait pas la présence de son ADN sur l’intérieur de cette poignée !

D’abord c’était faux, car il avait donné une explication très plausible au regard de son casier : il commettait à l’époque des vols à la roulotte en essayant d’ouvrir les voitures non verrouillées pour y chaparder ce qui traînait, il pouvait parfaitement avoir laissé son ADN sur cette poignée à cette occasion.

Enfin et surtout, cet ADN aurait parfaitement pu être transporté d’une manière ou d’une autre sur cette poignée ou, mieux, sur l’écouvillon analysé dans le cadre de ce dossier.

Il existait en réalité un certain nombre d’alternatives à l’idée selon laquelle mon client avait réellement pu être en contact avec cette poignée, en particulier ce jour-là pour voler cette dame.

C’est ce que considéra le Tribunal qui le relaxa purement et simplement.

Etant précisé qu’il avait pour cette affaire soit disant criminelle purgé plus d’une année de détention provisoire…

Alors non, l’ADN n’est pas la reine des preuves. Nous le savons, nous savons aussi que cette maxime a encore parfois le vent en poupe mais il est de l’essence de notre métier que de se battre pied à pied dans ces affaires où la reconnaissance de l’innocence de nos clients ne se heurte qu’à ce poncif.

 

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