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Le blog de Lee TAKHEDMIT

Blog de Maître Lee TAKHEDMIT, avocat pénaliste à PARIS, POITIERS, NIORT

Protéger la loi et la société ou les institutions ?

Une envolée quasi-lyrique d’un représentant du Parquet dans des réquisitions m’a soufflé ce billet récemment, puisqu’il avait cru bon entonner un hymne à sa propre robe, expliquant à qui voulait l’entendre dans la salle qu’il n’avait pour seul guide que la loi, son application par les forces de l’ordre et la Justice, sans préférence particulière pour la charge ou la décharge.

Ce que je constate moi, c’est surtout qu’à de multiples reprises, il est donné l’occasion aux Parquetiers de démontrer qu’ils sont moins guidés par ces principes-là que par la protection parfois jusqu’au grotesque de l’institution.

1er exemple : l’affaire récurrente des désignations d’avocat en garde à vue. Il a été démontré à plusieurs reprises dans plusieurs dossiers que des policiers étaient intervenus pour tenter d’éviter mon intervention, pour la retarder autant que possible, y compris en donnant des explications ahurissantes quand ils étaient pris la main dans le sac.

Dans une affaire qui avait largement été commentée par la presse locale, alors qu’il était démontré que plusieurs clients m’avaient désigné et que les policiers ne m’avaient pas prévenu, contrairement à la loi, une enquête avait même été diligentée.

Les policiers soutenaient contre vents et marrée qu’ils m’avaient prévenu, or l’enquête avait mis en lumière qu’ils avaient appelé un numéro qui n’avait jamais été le mien, que ce numéro sortait on ne sait d’où et que par ailleurs ils avaient appelé sur le numéro de mon cabinet à des heures où chacun sait qu’ils n’y trouveraient personne.

La seule ligne tenable pour le Parquet eut été de requérir la nullité de ces gardes à vue et de fustiger un tel comportement d’enquêteurs qui contrevient totalement à la loi, sans compter leur positionnement a posteriori, que la plupart de mes clients n’auraient pas osé.

Que nenni ! Le Parquet trouva parfaitement normale cette situation, ce qui eut pour effet, effet qui perdure à l’heure actuelle, d’encourager les mêmes enquêteurs à poursuivre leurs efforts de barrage à mes interventions.

2ème exemple : le médecin qui ne constatait jamais rien en garde à vue. Depuis plusieurs années, mes clients me disaient pis que pendre d’un médecin régulièrement désigné pour les examiner en garde à vue. Celui-ci ne trouvait jamais rien à dire sur leur état de santé et, surtout, passait régulièrement sous silence les doléances des gardés à vue, rendant des certificats médicaux « vierges » y compris alors que l’on constatait nous-même les blessures alléguées par nos clients.

A telle enseigne que systématiquement, constatant les blessures apparentes sur le visage de mes clients (parfois liées à leur interpellation, parfois aux faits les ayant conduits en garde  à vue), je pris l’habitude de les prendre en photo.

Dans une affaire en particulier, j’obtenais la relaxe d’une cliente poursuivie pour violences au motif que celle-ci s’était défendue après avoir subi une agression.

Lors des débats, je montrais les photos qui rapportaient la preuve des violences subies par ma cliente et je fustigeais le médecin intervenu en garde à vue.

Tout le monde put juger de la réalité de ces violences et du scandale absolu que constituait ce certificat médical vierge de toute constatation.

Le Procureur de la République, sans vergogne, s’opposa à la relaxe au motif que les violences alléguées par ma cliente étaient contredites… par le certificat médical de sa garde à vue !

J’ai plaidé plusieurs fois en audiences publiques cette même difficulté, à chaque fois avec des photos démontrant que le gardé à vue portait des stigmates qu’il n’était pas utile d’être médecin légiste pour les constater. Pensez-vous que le Procureur de la République soit intervenu pour que ce scandale cesse ? Pas le moins du monde, à chaque fois il a été pris parti pour le médecin. Qui continue de sévir à l’heure actuelle.

Dernier exemple : l’expert qui ne prépare pas sa déposition. Il y a peu devant une cour d’assises, un expert psychiatre devait déposer en visio-conférence.

Peu avant sa déposition, alors que son micro est ouvert et qu’il ne le sait pas, il lance à la cantonade « ouh là, faudrait peut-être que je relise mon truc moi, parce que j’ai pas du tout eu le temps de me préparer »…

Dans une affaire où mon client encourait la perpétuité et où évidemment il l’avait massacré. Evidemment lorsque mon tour de parole arrive, je le méprise complètement et dis à la cour qu’un expert qui se comporte comme ça, je n’ai pas la moindre question à lui poser, on n’est pas à la foire.

Plutôt que de la jouer profil bas a minima, voire de m’emboîter le pas, l’avocat général s’indigne de ma réaction et me reproche d’avoir maltraité ce pauvre expert. On croit rêver.

Non, souvent l’Avocat Général ne se lève pas pour protéger la Société, mais bel et bien pour couvrir les institutions dans leurs dysfonctionnements quotidiens, ce que la Société dont ils s’autoproclament souvent complaisamment les représentants au procès a de plus en plus de mal à supporter…

 

 

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